mais elle était toute à moi.
SOUVENIR
La vie en boule n’est pas le privilège des chats mais ceux-ci en sont sûrement les pratiquants les plus fervents et les plus experts. Je le sais, moi, qui suis un chat. C’est donc lové en boule que je m’enfonce, des heures durant, dans le duvet de mon sommeil, indifférent aux pensées fatigantes qui accablent les humains et submergé par ma familière béatitude. Mes journées s’écoulent ainsi, seulement entrecoupée par les repas servis d’auguste façon par mon valet qui se croit mon maître. Les hommes ne vivent-ils pas d’illusions ? Chaque jour, lorsque mon horloge interne m’avertit qu’il sera bientôt « Son » heure, mon repos se met en alerte : je sais qu’Elle va venir. Elle, c’est ma dame, celle que je vais accueillir avec ma scrupuleuse assiduité. Je quitte mon coussin et je m’installe devant la porte fermée. C’est bien Elle qui s’approche, je reconnais son pas. Mon valet lui ouvre la porte et aussitôt Elle s’exclame : « Mon soyeux, tu es là ! » Evidemment que je suis là, et même un peu là. Je fais une courte ronde, je reçois sa première caresse et je lève vers Elle mon petit nez rose comme si je lui offrais une fleur. Illico, je La conduis vers ma gamelle qu’Elle remplit en murmurant de douces paroles, je lui montre, à Elle, comme je me régale et puis, en me pourléchant, j’attends qu’Elle aille s’asseoir dans le fauteuil qui me convient. Je bondis sur son giron et m’y installe en territoire conquis. Mais procédons par ordre. Avant de m’enrouler, je m’assieds d’abord et La regarde. En gratouillant ma petite tête, elle me parle, me rafraîchit de ce curieux babillages dont les femmes se rassasient. Je comprends tout mais ne répond jamais autrement qu’en soulevant ma queue par petites secousses. Elle est heureuse de se sentir comprise. Elle me caresse ensuite le menton. Oh ! l’extase. Fermant les yeux, je mets mon moteur en route : mon ronron, à ce moment, s’amplifie dans un ronflement d’hélicoptère. J’aime faire entendre mon indissoluble joie de vivre. Mais voici déjà la nouvelle étape. Je me retourne et plonge mon museau dans sa main : c’est le nirvana, l’éternité provisoire du bonheur des chats. Une éternité de quelques minutes car j’ai rapidement trop chaud. Tant pis pour Elle, je la quitte sans complexe d’un bond souple sur la moquette, le temps de m’étirer dans ma prodigieuse innocence, d’expédier une furtive toilette et de m’accorder une halte souveraine dans le débordement des câlins. Et puis je reviens sur le lit de ses genoux. Ce manège sans cesse recommencé manifeste l’arbitraire de mon droit inattaquable de faire toujours ce qui me plaît.
J’admets que je suis un peu à Elle, mais Elle est toute à moi comme un long rayon de soleil sur ma vie tranquille. Et quand je tourne ma tête malicieuse vers son visage adouci par la tendresse, je reçois d’Elle, comme un reflet fugace, l’impalpable lumière de mes propres yeux.
Texte paru dans la revue" le chaînon"
Oh, le beau texte, qui donne les larmes aux yeux, à nous qui avons perdu un félin qui reste dans nos coeurs...
RépondreSupprimerDes mots tendres, pour se rappeler des chats que nous avons perdus et aux quels nous avons donné le coeur: elle etait merveilleuse! Moi aussi j'en ai perdue une, mais dans mon coeur elle vivra toujours. Bonne journée
RépondreSupprimerComme il était beau ton Toulouse....vraiment une petite merveille ce minou !!
RépondreSupprimerMagnifique texte Danielle. C'est complètement votre histoire à Toulouse et toi ....
RépondreSupprimerBienvenue Lili, quel bonheur de te lire ici...surtout reviens souvent nous tenir compagnie!
RépondreSupprimerOui, Toulouse était un seigneur et il le savait, quel caractère mais aussi quelle soyeuse douceur et quel amour dans son regard. Deux ans déjà, en cette fin novembre, qu'il s'en est allé..alors que j'étais à Venise où j'ai pleuré comme une enfant !
Bientôt un petit bonheur gris va venir réchauffer notre maison...nous préparons son nid !