Battez pleins coeurs, ô tambours noirs de mes angoisses!
Le temps s’est arrêté, figé, suspendu en moi-même !
Hier encore je voyais au travers de mes yeux.
Je vivais d’abondance.
J’étais levain.
J’étais naissance,
et mon bonheur , comme rosée,
perlait aux aisselles du quotidien.
Aujourd’hui dans un souffle est venu
qui m’a ravi l’instant où j’aurais pu saisir
le galop nerveux de la fuite.
Demain serai la feuille morte
étendue, nue, dessous la terre,
offerte en sacrifice
au ventre humide des saisons.
Vides seront les chansons
qui tournoyaient dedans ma tête.
Vitreuses les images de mon regard désenchanté.
J’étais lumière.
Je serai l’ombre.
Et mes mains pénétrées par le froid de la pierre comprimeront, en
vain, une blessure
Par où flue déjà , lancinant,
L’amer sanglot du renoncement !
Texte protégé, extrait du
recueil VIA OBSCURA (1983)
Illustration originale : R.Vanderhaeghen