Ad infantiam aeternam…
“
L’enfance est une main perdue dans les vieux coffres à jouets
( Jean Royer.)
A ç’t-eûre qu’on m’a dit…
Maintenant qu’on m’a dit
A ç’t-eûre qu’on m’a dit, sins fé d’
tchirîyes ,çu qu’ lès saquantès anéyes a v’ nu, ont mètu d’ costè pou m’
coyène.
Maintenant qu’on m’a dit, sans façons, ce que les
quelques années à venir ont mis de côté
pour mon échine.
A ç’t-eûre qu’on m’a spèlè les niûts
tchôquîyes,toutes lès djoûrnéyes berwètes, dj’é compris què ça n’chève pus a rin d’ablokî dès
rèves qu’èl timps, fét-a-fét, coud’ra a crèchance.
Maintenant qu’on m’a épelé les nuits hantées, toutes les journées perdues, j’ai
compris que cela ne sert plus à rien de faire des rêves que le temps cueillera
( empêchera de grandir) au fur et à mesure.
A ç’t-eûre què dji sé...
Mi, dji n’é pus qu’ène idéye :èm’
dèlibèrér !
Maintenant que je sais
Moi, je n’ai plus qu’une idée :
m’évader !
Dji n’ vous pus chûre ène vôye croyîye d’avance.
Dji vous r’wétî d ’l ôte costè, du costè d’ mès
talons.
Je ne veux plus suivre une voie tracée d’avance.
Je veux regarder de l’autre côté, du côté de mes talons
Dji vous r’trouvér mès vîyès-ascôrchîyes, r’gripér
lès tiènes,
dèsgriboulér lès- uréyes,couru tous mès pus râdes quite a tchér
djus d’alène, pou l’èrtrouvér, lèye, dèvant qu’i fuche trop târd.
Je veux retrouver mes
anciens pas, grimper à nouveau les pentes,
rouler à nouveau au pied des talus,
courir aussi vite que possible au risque de tomber à court d’haleine,
pour la retrouver, elle, avant qu’il ne soit trop tard.
Lèye !
Dji
l’wès dè d’ci come su n’ imâdje di d’ dins l’timps.
On lyî a fét s’toupèt, mètu in bia riquèt .
Sès
p’titès mwins crwèséyes su in noû casaquin,
èle
m’èrwéte, avè dès-îs plins d’èspwêr.
Dji
sé qu’èle mè ratint !
Elle !
Je la vois d’ici comme sur une image du temps passé.
On lui a fait sa toilette, mis un nœud dans les cheveux.
Ses petites mains croisées sur un nouveau corsage,
Elle me regarde, avec des yeux pleins d’espoir.
Je sais qu’elle m’attend !
Lèye !
Èle a wârdè ô r’cwè toutes nos souv’nances,
lès bwèsses a bub’lots, les pachîs a cumulèts,
les mèmères a-s-istwêres, lès pèpères a boubounes,
lès tchansons a dôdô , les doudouces a frum’jons.
tous lès pléjis d’èfance, lès –sondj’rîyes à
prom’tances,
Elle !
Elle a
gardé toutes nos souvenances,
Les boites à bibelots, les prairies à culbutes,
Les grands-mamans - histoires, les
grands-papas -bonbons,
Les chansons à dodo ( berceuse), les
caresses à frissons,
Tous les plaisirs d’enfance, les songes
à promesses.
Lèye !
A ç’t-eûre qu’on m’a dit…
A ç’t-eûre què dji sé...
Mi, dji n’é pus qu’ène idéye : skeûre mès
rèves cafougnis
Èt l’èr’trouvér , lèye, èl’ gamine qui m’èrchène pou al fin lyî dîre , djusqu’ô pèrfond
dès-îs què môgré toutes mès fèrdènes, lèye, dji n’ l’é jamais roublîyi !
Elle !
Maintenant qu’on m’a dit…
Maintenant que je sais..
Moi, je n’ai plus qu’une idée :
secouer mes rêves chiffonnés et la retrouver, elle, la gamine qui me ressemble
pour, enfin lui dire jusqu’au fond des yeux
que malgré mes fredaines, elle, je ne l’ai jamais oubliée.
(2012)
Texte protégé par un copyright, repris dans le recueil à paraître " C'èst la Vîye !", portraits de femmes.
Difficile de rendre toutes les nuances d'une langue régionale. Le texte français est donc une adaptation la plus fidèle possible.
Belle journée!
Belle journée!
Ton adaptation me semble parfaite puisque suscitant une vraie émotion. Celle que nous ressentons quand il s'agit d'enfance, de l'enfant que nous sentons toujours vivre en nous mais que nous ne sommes plus, que nous ne serons jamais plus. L'esprit peut repartir en arrière, pas le corps. En même temps c'est la loi de la vie. Il ne faut pas s'en désoler outre mesure.
RépondreSupprimerBel après-midi Danielle
merci, Marie-Paule..je suis toujours curieuse de savoir comment mes textes sont ressentis...d'autant qu'il s'agit ici d'une adaptation laquelle ne rend pas toutes les nuances de la langue d'origine.Bien sûr, c'est un texte symbolique car, comme tu le dis, l'enfance reste tellement présente au fond de nous.Et reconnaissons que parfois nous aimerions bien "retomber" dans cette enfance là..ne fut-ce que parce que la vie ne nous épargne pas et qu'en ce temps-là...tout était si facile...et tellement innocent!
RépondreSupprimerBelle fin de journée à toi.
Tu vois Danielle, contrairement à toi, la vie n'est pas une continuité pour moi. Elle est faites de plusieurs vies qui ont eu pour moi un début et une fin et qui finalement ne me concernent plus et ne concernent plus qui je suis à présent. Je le réalise en lisant ton texte si poétique et aussi tes billets en général où on voit bien que la vie pour toi s'inscrit dans un chemin unique parcouru par une seule et même personne. Quand tu parles de ton enfance, on te voit très bien petite fille et c'est bien toi, on te reconnait !
RépondreSupprimerBonne journée, on nous promet de la neige pour tantôt.
Linda
Linda, ton commentaire m'a fait réfléchir.Je dirai bien humblement que j'ai eu de la chance...de rencontrer la personne qui a fait que " ma bobine de vie "s'est déroulée dans la continuité même si, comme tout un chacun, j'ai dû encaisser quelques coups et autres désillusions. Bien sûr, j'ai changé au fil des années.. j'étais une femme-enfant mais j'ai pris de l'assurance et le fait de pouvoir écrire m'a beaucoup aidée à me construire.
RépondreSupprimerJe ne veux pas être pessimiste, seulement réaliste, le chemin parcouru est beaucoup plus long que celui qui reste à parcourir. Avec l'âge, s'est installée une certaine notion d'urgence et aussi le devoir de savourer pleinement chaque instant.Mais, pour ce qui me concerne , j'éprouve le besoin de regarder en arrière pour mieux comprendre ce qui a fait de moi ce que je suis devenue...aujourd'hui. Sans doute est-ce dû à cette fluidité avec laquelle "ma bobine de vie" s'est déroulée...
Belle soirée à toi, Linda.Et merci.